Formation en ligne - L'histoire du Tarot


Chapitre 1 : l'origine des cartes à jouer


Les jeux de société naissent dans la préhistoire

Dés et jetons en os - Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal
Dés et jetons en os - Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal

 

Les jeux de société remontent à des temps préhistoriques, où l'utilisation des osselets et des dés était déjà répandue. Il est difficile de déterminer précisément la date d'apparition des dés, car les écrivains antiques confondaient souvent les deux jeux. C'est néanmoins une certitude que les dés existent depuis des millénaires, et ont joué un rôle important dans l'histoire des jeux de société.


Activité : carte interactive

Découvrez brièvement l'histoire des cartes à jouer sur cette carte interactive. Les historiens n'ont pas pu déterminer avec certitude le déroulement et l'évolution des jeux de cartes. Les cartes de papier trop fragiles n'ont pas pu traverser les âges jusqu'à nous pour révéler leurs secrets. Les documents et témoignages sont à la fois nombreux et souvent peu explicites. Cependant, l'hypothèse la plus souvent admise de nos jours, malgré les quelques contre-arguments opposés par ses détracteurs, est la suivante.

 


Les cartes originaires de l'Asie : l'Inde et la Chine

Krishna et Radha jouant au chaturanga
Krishna et Radha jouant au chaturanga

 

Au Vème siècle en Inde, le chaturanga émerge comme l'ancêtre direct du jeu d'échecs. Ce jeu de plateau se compose de deux séries représentant des unités militaires : des chars, des cavaliers, des fantassins et leurs chefs de guerre respectifs, les rajahs. Chaque joueur dirige une série et doit utiliser des stratégies de mouvement et de tactique pour vaincre son adversaire. Le chaturanga, véhiculé par les échanges culturels et les conquêtes militaires, s'est répandu à travers l'Asie. Ce jeu a eu un impact durable sur le monde des jeux de société. De son origine en Inde à sa diffusion à travers l'Asie et son introduction en Europe via la Perse, il a façonné l'histoire des échecs et des jeux de cartes. Son héritage perdure encore aujourd'hui, témoignant de sa richesse culturelle et de son importance dans le développement des divertissements humains.

Jeu des quatre rois - Le Livre des jeux, XIIIe siècle
Jeu des quatre rois - Le Livre des jeux, XIIIe siècle

 

Au Xe siècle, il aurait atteint l'Europe en passant par la Perse. Une variante du jeu à quatre joueurs apparaît. À l'aube du Moyen-Âge, les conquêtes arabes ont favorisé l'arrivée du chaturanga en Europe, où il a été adapté et transformé pour devenir le jeu des quatre rois, puis le jeu d'échecs que nous connaissons aujourd'hui. Traversant la Méditerranée et l'Espagne, sa diffusion a été facilitée par les contacts commerciaux et culturels entre les différentes civilisations de l'époque. L'impact culturel des échecs en Europe médiévale a été significatif, influençant la littérature, l'art et même la pensée stratégique de l'époque.

 

Le vizir Buzurghmihr montrant le jeu d'échecs au roi Khusraw Anushirwan. Musée d'art du comté de Los Angeles
Le vizir Buzurghmihr montrant le jeu d'échecs au roi Khusraw Anushirwan. Musée d'art du comté de Los Angeles
Dashavatara ganjifa, Inde
Dashavatara ganjifa, Inde

Il est plausible que le chaturanga ait influencé l'évolution des jeux de cartes. Il aurait directement inspiré le jeu de cartes des Maures en Espagne. Vers le Xe siècle, l'apparition du jeu de cartes ganjifa en Perse suggère une connexion possible avec le chaturanga, également influencée par les cartes de papier-monnaie utilisées en Chine à la même époque. L'influence de ces deux jeux a été significative sur les jeux de cartes orientaux. Bien que le ganjifa soit moins complexe que le chaturanga, il pourrait en être issu, offrant ainsi une version plus abordable et accessible du divertissement stratégique proposé par les échecs. Ce jeu de cartes était connu sous le nom de Ganjafeh en Egypte au XIIème siècle, et est cité dans les Mille et une nuits sous le terme Kanjifah, ce qui peut appuyer ces conjectures. 

Cartes à jouer, dynastie Ming, vers 1400
Cartes à jouer, dynastie Ming, vers 1400

 

 

Les cartes à jouer ont une longue histoire en Chine, remontant au Xe siècle. Fabriquées à partir de papier, de métal et parfois même d'ivoire, ces premières cartes étaient utilisées dans une variété de jeux de société. Leur origine exacte reste sujette à débat, mais il est possible qu'elles aient été inspirées par des jeux préexistants tels que les dominos, les dés, ou même par l'utilisation du papier-monnaie qui était courante depuis déjà deux siècles.

 

 

Jeu de cartes des Mamelouks, XIVème siècle, Égypte
Jeu de cartes des Mamelouks, XIVème siècle, Égypte

Grâce aux échanges commerciaux et culturels entre la Chine et d'autres régions du monde, notamment avec les Tartares, les cartes chinoises se sont propagées jusqu'à la Perse, où elles ont été rapidement adoptées. De là, elles se sont propagées vers l'Arabie et l'Égypte, qui étaient gouvernées par les Mamelouks du XIIIe au XVe siècle. Les Mamelouks, en tant que peuple commerçant et cosmopolite, ont non seulement adopté les cartes à jouer, mais les ont également adaptées et embellies, créant ainsi des jeux de cartes enluminés et artistiquement élaborés, qu'ils appellent les naib.

 

Les cartes à jouer ont voyagé à travers les continents, portant avec elles des éléments de culture, de divertissement et de commerce. Leur introduction en Chine, leur influence sur les jeux de cartes indiens, et leur propagation vers l'Occident via la Perse et l'Égypte témoignent de leur importance dans l'histoire des jeux de société. En tant que symbole de connexion entre les cultures et les civilisations, les cartes à jouer continuent de fasciner et d'inspirer les joueurs du monde entier.

 


Vidéo : L'enluminure à travers le temps

Cette vidéo de 10 minutes présente brièvement l'histoire de l'enluminure.

 


Activité : timeline

Vous devez situer l'événement placé dans le coin supérieur droit sur la ligne temporelle, parmi d'autres événements historiques. Affichez la réponse pour accéder aux dates. Attention aux pièges !

 


L'essor du jeu de cartes en Europe

Jeu de cartes Maures
Jeu de cartes Maures

Les Mamelouks entretenaient en effet des relations commerciales florissantes avec l'Italie, mais il est tout aussi important de souligner la présence séculaire des Arabes en Espagne. Il est probable que le jeu de naib ait été rapidement exporté en Catalogne, où l'on trouve des mentions écrites de ces cartes dès 1370, suggérant leur arrivée quelques années auparavant. Les conquêtes arabes en Europe ont conduit à l'introduction des naibi, ou cartes à jouer, sur le territoire espagnol vers le milieu du XIVe siècle. Les cartes richement illustrées ont progressivement cédé la place à des jeux plus simples, appelés cartes des Maures ou naipes, plus faciles à produire en masse, favorisant ainsi leur rapide diffusion.

Ces naipes ont inspiré les jeux de cartes en Allemagne, en France et en Italie. A la même période, le jeu de cartes des Mamelouks a atteint le nord de l'Italie grâce aux échanges commerciaux entre Venise et l'étranger, vraisemblablement entre 1345 et 1365. Les Italiens, éblouis par la beauté des cartes arabes, se mettent à produire les leurs. Plus tard, grâce au développement du commerce avec l'Allemagne, les cartes ont gagné le nord de l'Europe. Informée rapidement de l'existence des cartes par ses échanges avec l'Espagne et l'Italie, l'Allemagne a elle aussi commencé à produire des jeux de cartes à jouer. Profitant de l'essor récent de la xylographie en Europe du nord, elle a décliné les jeux sous de nombreuses formes. Le plus ancien jeu de cartes gravées connu à ce jour est le jeu de Stuttgart, produit vers 1430. Le succès est tel qu'en 1450, le prédicateur Jean de Capistran fait brûler des milliers de jeux sur le marché pour prêcher contre le vice du jeu.

 

Jeu de Stuttgart, vers 1440
Jeu de Stuttgart, vers 1440
Planche du jeu de Jean de Dale, Lyon, 1480
Planche du jeu de Jean de Dale, Lyon, 1480

 

En France, la production de jeux de cartes a commencé légèrement plus tard. Les plus anciens jeux connus sont signés Jean de Dale, vers 1480 à Lyon. Dans les cartes de ce jeu, il n'y a pas de suites numérales, mais seulement des personnages inspirés de leur époque. Les jeux de cartes se sont ensuite répandus à travers toute l'Europe, de nombreux fabricants s'installant en Espagne, en Italie, en Allemagne et en France, grâce à la xylographie qui permettait la production à grande échelle.

La demande est telle que les ateliers de production se multiplient à travers l'Europe, et notamment en France. En 1600, Lyon, Paris et Rouen deviennent les principaux pôle de production européens. On parle de "grenier à cartes de l'Europe".

 

Il est crucial de noter que l'hypothèse historique avancée n'a pas pu être entièrement vérifiée à ce jour, et que d'autres théories existent concernant l'origine des cartes à jouer. Si vous souhaitez approfondir ce sujet, nous vous encourageons à consulter les ouvrages spécialisés suivants : "Histoire du tarot" par Isabelle Nadolny, "Fabuleuses cartes à jouer" dirigé par Jude Talbot, "Les cartes à jouer du XIVe au XXe siècle" par Henry René D'Allemagne, ainsi que les livres de Thierry Depaulis. Ces ressources offrent une perspective éclairée sur les origines et l'évolution des jeux de cartes, permettant ainsi une compréhension plus nuancée de leur histoire.

 


La structure du jeu de cartes

Depuis leur invention, les jeux de cartes ont conservé une structure fondamentale qui a résisté à l'épreuve du temps. Cette structure repose sur quatre séries distinctes, chacune associée à un symbole, et comprend à la fois des cartes à points et des cartes de cour. Dans cette présentation, nous allons explorer en détail cette structure presque immuable qui définit les jeux de cartes depuis des siècles.

 

Les cartes à points, également connues sous le nom de cartes numérales, constituent la base des jeux de cartes. Elles sont généralement désignées par les chiffres représentant leur valeur et vont de l'as au dix

 

 

 

Dans l'histoire des jeux de cartes, les cartes de cour ont toujours occupé une place centrale. Elles représentent des personnages qui ajoutent une dimension stratégique et esthétique au jeu. Cependant, au fil du temps et à travers les différentes cultures européennes, on a observé des variations dans la composition de ces cartes de cour.

 

  • Dans les premiers jeux de cartes italiens et espagnols, la structure des cartes de cour différait de celle observée ultérieurement dans d'autres régions européennes. En Italie comme en Espagne, les jeux initiaux comportaient un valet, un cavalier et un roi. Ces configurations reflétaient les structures sociales et militaires de l'époque dans ces régions.
  • En France, une évolution distincte des cartes de cour s'est produite, conduisant à l'établissement d'un système comprenant le valet, la reine et le roi. Ainsi, les jeux de cartes français ont remplacé le cavalier par la reine, introduisant ainsi une représentation féminine parmi les cartes de cour, sans doute à l'image de l'amour courtois.
  • En Allemagne, l'évolution des cartes de cour a été caractérisée par une plus grande diversité et une absence de tradition fixe. On pouvait trouver différentes configurations, allant de deux valets de rang différents et leur roi à des compositions plus complexes, telles que le roi, son valet, la reine et sa servante dans le jeu de Stuttgart.

Malgré ces différences initiales, les influences culturelles et les échanges entre les pays européens ont finalement conduit à une uniformisation des cartes de cour. La France, l'Italie et l'Espagne ont progressivement adopté un système standardisé comprenant le valet, la reine et le roi (et le cavalier dans le tarot, nous y reviendrons). Cette harmonisation reflète des aspects culturels et sociaux, marquant ainsi une convergence dans la représentation des figures au sein des jeux de cartes européens.

 

 

Les cartes de cour sont rapidement identifiées dans les jeux de cartes et représentent des personnages historiques (Jules César, Charlemagne, Jeanne d'Arc, Blanche de Castille...), des personnages de la mythologie (Pallas, Mercure, Diane...), de la littérature (Lancelot, Hector...). De nos jours, les personnages sont restés identifiés comme suit :

  Valet Reine Roi
Coeurs Lahire (compagnon d'armes de Jeanne d'Arc) Judith (personnage biblique) Charles (Charlemagne)
Carreaux Hector (héros de la guerre de Troie) Rachel (personnage biblique) César (Jules César)
Piques Ogier (l'un des preux de Charlemagne) Pallas (déesse Athena) David (héros biblique)
Trèfles Lancelot (Lancelot du Lac) Argine (anagramme de Regina : reine)  Alexandre ( le Grand)

Les enseignes spécifiques à chaque pays

Jeu de cartes allemand
Jeu de cartes allemand

 

Les quatre couleurs, ou enseignes, sont les éléments de base qui distinguent les différentes séries de cartes dans de nombreux jeux de cartes. On compte donc quatre séries complètes comprenant les dix cartes à points et les figures, pour chacune des couleurs, que l'on distingue grâce à leur symbole.

 

Les cartiers du Moyen-Âge s'en donnaient à coeur joie : animaux, fleurs, objets divers... Les enseignes évoquent alors la société de l'époque, ses loisirs, en particulier la chasse. On ignore à quel moment les enseignes ont été fixées, mais il y a fort à parier que les premiers furent les Italiens, chez qui on retrouve les enseignes des vieux jeux Mamelouks : bâtons, coupes, deniers et épées. L'Allemagne optera pour les glands, les feuilles, les coeurs et les grelots. Quant à la France, elle portera son choix sur des symboles très simplifiés, encore utilisés aujourd'hui : piques, coeurs, carreaux et trèfles. C'est ce système simplifié qui s'exportera de par le monde et qui est de nos jours le plus utilisé.


Activité : 5 questions sur la structure du jeu de cartes

Répondez à ces questions sur la structure du jeu de cartes. Attention, les réponses ne sont peut-être pas aussi simples que vous le croyez !

 


Présentation : les correspondances étonnantes

Cette présentation vous liste les différentes correspondances connues concernant les cartes à jouer. Comme vous allez le voir, certaines sont étonnantes ! Basées sur le symbolisme, les correspondances sont l'essence même de l'usage divinatoire des cartes. Il n'y a aucune certitude possible, ni aucune limite : aucune hypothèse n'est absurde. Le symbolisme évoluant avec le temps, nous l'avons constaté avec les cartes allemandes et françaises, il est important de relier l'objet qu'est le jeu de cartes avec le lieu et l'époque à laquelle il a vu le jour. C'est la raison pour laquelle nous nous appuierons sur les enseignes latines (Bâtons, Coupes, Deniers et Epées) dans cette présentation. 

 


Evaluez vos connaissances

Répondez aux questions suivantes et évaluez ce que vous avez retenu de ce chapitre.


Récapitulatif du chapitre

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