Le cycle des Tarots ( à réécrire)

 

Dans l’apprentissage du tarot de Marseille, il est certes important d’apprendre la signification de chaque lame, mais il est avant tout capital de comprendre comment fonctionne l’outil que l’on utilise. On a déjà vu ailleurs que celui-ci obéissait à une structure bien déterminée qui reprenait l’ordre du Monde. Afin de mieux comprendre cette construction particulière, il convient d’examiner le cycle des arcanes majeurs et de mettre en relief ses différentes phases. Cette démarche permet non seulement d’avoir une vision d’ensemble des lames majeures du tarot, mais elle facilite également les liens entre les cartes et leurs différentes significations lors de tirages.

 

Les étapes du cycle sont au nombre de quatre et représentent le chemin parcouru par le Mat au cours de son existence. Elles racontent donc son histoire au sein du Monde, de la « naissance » à son épanouissement total sur tous les plans.

 

Le Mat, pèlerin du tarot de Marseille

 

Le personnage qui parcourt le chemin de l’existence tel qu’il est représenté par ce cycle est le Mat. Seul arcane à ne pas porter de numéro, il se situe en quelque sorte en dehors du cycle puisqu’il est mobile et en traverse toutes les étapes. Au début du périple, il est en position 0, qui marque la mise en route de l’aventure et met en exergue sa mobilité. Son balluchon et son bâton sont ses principaux attributs. Ils indiquent un personnage en partance pour un long voyage pédestre. On peut y voir un nouveau départ. Cela dit, le Mat (aussi appelé le Fou) est marqué par son inexpérience et son insouciance, visibles à travers son costume de bouffon. Cette figure est en route vers la maturité, vers l’apprentissage de la vie et l’acquisition de la connaissance du Monde, et c’est son évolution que l’on suit grâce aux arcanes majeurs.

 

La première étape est celle des découvertes et des commencements

 

Le voyage commence avec le Bateleur (I) qui ouvre à la créativité tant matérielle que spirituelle. Grâce à lui, le Mat découvre qu’il peut agir sur la matière, qu’il peut faire passer ses idées du domaine abstrait au concret. On rencontre ensuite la Papesse (II), dont les attributs principaux sont le livre et le voile. Cette lame évoque la connaissance sous tous ses aspects. Le livre fait référence à la l’étude et l’apprentissage, et le voile est celui de la connaissance cachée et de l’intuition. Elle ouvre donc l’esprit du Mat, qui est désormais fort de ces acquis. L’Impératrice (III) symbolise l’abondance et la fertilité (donc la mère), tandis que l’Empereur (IIII) est l’autorité et la stabilité (le père). C’est un meneur qui trouve les solutions aux problèmes, celui à qui l’on peut se fier. Vient ensuite le Pape (V), qui d’un côté porte en lui le poids de la tradition, du moule dans lequel il convient de se fondre. D’autre part, il a une portée spirituelle évidente et peut endosser un rôle de sage conseiller ou de protecteur.

On remarque qu’au cours de cette première étape, le Mat ne rencontre que des figures qui représentent une forme d’autorité et d’éducation : la transcription d’idées abstraites en concepts matériels, l’expression (le Bateleur), l’instruction (Papesse), la mère (l’Impératrice), le père (l’Empereur), ainsi qu’une éducation morale et spirituelle (le Pape). En d’autres termes, cette étape constitue l’« enfance du Mat », puisque celui-ci acquiert les principes qui vont l’aider à faire ses choix et guider ses pas sur les chemins de l’existence.

 

La deuxième étape, celle des hésitations et des choix.

 

Elle commence par l’Amoureux (VI), qui est l’arcane du choix et de l’hésitation par excellence. Celui-ci indique les périodes de doutes et de remises en question des principes acquis précédemment. Le Mat est mis à l’épreuve, tiraillé entre plusieurs possibilités, et doit se servir de son discernement pour prendre les bonnes décisions. Ceci ne se fait pas sans lutter, comme le montre le Chariot (VII). Celui-ci est l’adversité dans toute son ampleur : rien ne s’obtient sans efforts (parfois acharnés) et si le combat est justifié, il se solde par un succès. Dans tous les cas, l’issue est juste, comme l’indique la Justice (VIII). Après le combat et ses leçons vient la prise de recul avec l’Hermite (VIIII). Celui-ci prône le retrait et favorise l’assimilation des leçons récemment apprises et la réflexion. Cette période de solitude est marquée à la fois par les préoccupations matérielles et spirituelles, comme notamment la quête intérieure. Elle apporte une certaine sagesse qui permet au Mat de reprendre la route. Il découvre alors grâce à la Roue de Fortune (X) que l’existence comporte aussi une part de chance. On remarque d’ailleurs que la Roue de Fortune porte le numéro X et se situe quasiment à la moitié du chemin dans le cycle des majeurs. Elle constitue ainsi une forme de charnière dans le parcours du Mat, lui rappelant que si parfois la chance est avec lui, elle peut également l’abandonner sans crier gare. Cette deuxième étape s’achève avec la Force (XI), qui en quelque sorte la résume, car elle est la somme de ce qui a été acquis lors de cette phase. En effet, elle symbolise l’humilité, qui est la principale leçon apprise par le Mat au cours de cette partie du cycle. Afin de poursuivre son parcours, le pèlerin doit savoir faire preuve de force certes, mais il doit la doser convenablement. Cette force peut être physique, morale ou spirituelle. Cela dit, il ne doit pas en abuser, car à l’excès elle mènerait à l’arrogance, l’orgueil et la condescendance. En revanche, en manquer revient à se laisser dominer par ses peurs, à manquer de courage et à un refus d’affronter les épreuves rencontrées.

 

La troisième étape est celle des épreuves.

 

La première vient avec le Pendu (XII), qui incarne les blocages, l’impossibilité d’avancer, l’absence de progrès, le fait d’être retenu, retardé. Il représente aussi le sacrifice et le don de soi. Sur le plan spirituel, il est aussi le don de prophétie. La remise en route après cet arrêt forcé se fait à travers l’Arcane Sans Nom (XIII), qui représente la nécessité d’un changement radical (et parfois brutal), d’une transformation qu’’il est indispensable d’endurer. C’est un nouveau départ, une renaissance, un lâcher prise salutaire. La reconstruction se fait à travers la Tempérance (XVIIII), qui enseigne au Mat la patience, la force d’adaptation et la nécessité d’équilibrer les énergies qui le gouvernent. Cette forme d’autodiscipline lui permet de ne pas se laisser dominer par ses émotions, mais au contraire de peser les différentes options qui s’offrent à lui avant de prendre parti. C’est la maîtrise de soi et la capacité à prendre du recul. Elle permet de passer l’épreuve suivante. Le Diable (XV), qui symbolise en effet la tentation, les addictions en tous genres, l’aliénation aux instincts et aux désirs, le fait d’être dépendant du matériel. La notion de dépendance est représentée par les chaînes qui retiennent les prisonniers du Diable. Ainsi fragilisé, le Mat risque d’être déstabilisé et se trouve en proie à des situations inattendues, comme le montre la Maison-Dieu (XVI). Ce sont les accidents, les surprises, mais cet arcane fait aussi ressortir l’état de fragilité (émotionnelle ou autre) dans lequel se trouvent le Mat et ses projets. Dans tous les cas, on est confronté à quelque de surprenant et de violent. Seule l’expérience acquise au cours du voyage permettra d’y faire face.

Il est intéressant de noter que la Maison-Dieu constitue la transition entre la troisième et la quatrième étape du cycle. Elle porte ainsi le pèlerin sur un autre plan : après avoir appris les leçons du monde terrestre et avoir fait face à ses épreuves, il peut désormais atteindre le monde spirituel, et ce passage peut se faire de façon inattendue, voire même avec une certaine violence.

 

La quatrième et dernière étape est celle de l’élévation spirituelle et de l’épanouissement du Mat au sein du Monde.

 

Elle débute avec l’Étoile (XVII), qui indique la réalisation des rêves comme « récompense » à la traversée des épreuves. Elle est aussi l’espoir et la foi. Le Mat, affranchi des considérations terrestres, peut donc accéder au domaine céleste. La Lune (XVIII) est le développement de l’imagination, des capacités psychiques (voire médiumniques), mais elle incarne aussi l’illusion. En effet, elle régit les marées, et donc l’eau, qui est l’élément de l’inconstance par excellence. La Lune se révèle alors versatile, rappelant que les apparences sont parfois trompeuses. Il faut donc se méfier et ne pas se laisser bercer d’illusions. Si l’énergie de la Lune est féminine et obscure, celle du Soleil (XVIIII) est masculine et rayonnante. L’astre réchauffe, apporte la joie et un dénouement heureux à toutes les situations. Vient alors l’heure de l’éveil avec le Jugement (XX), qui permet de s’ouvrir à des choses que jusqu’alors le Mat ne pouvait voir. C’est en quelque sorte l’illumination que cherchent les sages, l’ouverture et la connaissance spirituelles par excellence. On accède à un état de conscience supérieur. Cette élévation spirituelle mène le pèlerin à s’accorder pleinement à l’univers dans lequel il vit. Ainsi, le cycle s’achève avec le Monde (XXI), qui indique que le but suprême a été atteint et que le Mat a pris la place qui lui revient au sein de l’univers. Il s’agit d’un passage vers un état supérieur où l’on se trouve en harmonie totale avec le Monde sur tous les plans : les leçons ont été apprises et l’on est capable de triompher dans tous les domaines grâce à l’expérience acquise au cours du voyage. Ce dernier arcane correspond à la libération de toutes les contraintes : le Mat a pleinement conscience de ce qu’il est.

Le Mat arrive donc au terme de son voyage initiatique d’origine certes, mais il se situe également au début d’une nouvelle aventure, d’où la structure circulaire du cycle des majeurs où la fin marque aussi un nouveau commencement. C’est pourquoi le Mat, qui occupe la position 0 en début de parcourt, se voit attribuer la position XXII lorsqu’il d’autant plus la circularité de la suite des majeurs et le fait qu’il soit à part et mobile parmi eux. Le Monde ne marque ainsi pas un véritable terme, mais plutôt la possibilité de poursuivre son évolution à un autre niveau.

 

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Le premier arcane majeur à exprimer une conscience particulièrement sensible est la Justice. Notons d’emblée que le personnage dessiné, une femme, se retrouve entouré d’objets – mobilier, couronne et autres – comme dans le cas des sept arcanes matière précédents. De prime abord, rien ne différencie cet arcane des précédents : la dimension matérielle, rationnelle, prédomine dans cette image.

Le personnage tient deux objets à la symbolique universelle : une balance et une épée. Ces deux objets sont à utiliser avec intelligence, tact et éthique (comme la balance du commerçant ou l’épée du chevalier, par exemple).

L’épée se dresse au service de la raison, alors que la balance sert le sentiment.

Une balance, dans certains mythes, soupèse les agissements de l’âme ; c’est-à-dire que cet instrument sert à évaluer les qualités et vertus de la personnalité, par opposition à ses défauts et vices de fonctionnement.

Une balance sert à évaluer ce qui est bon et bien par opposition à ce qui est mal. Elle est un symbole universel de justice, autant humaine que divine.

Une balance permet de déterminer la quantité précise d’un produit en comparaison à un autre, en fonction de la valeur convenue de chaque produit. La balance évoque de la sorte un échange ; elle est un outil de mesure utilisé dans le cadre d’une communication, d’une négociation et d’un partage entre diverses parties. La balance peut être considérée comme un instrument d’évaluation. L’évaluation est l’une des fonctions importante du sentiment. Cela explique peut-être, en partie, l’idée des Amérindiens situant la pensée dans le cœur (plutôt que dans la tête).

La femme illustrée dans la Justice, bien que rationnelle (elle s’assied sur des certitudes et savoirs représentés par le mobilier, etc.), développe un sens profond de ce qui est juste ou non, ce qui la rend sensible et tempérée ; par conséquent, elle devient capable d’empathie et de compassion (à distinguer de la pitié), ce qui la rend équitable en société.

Au niveau individuel, le personnage est capable de considérer son ressenti (monde intérieur sur l’un des plateaux de la balance) tout en rationalisant par rapport à ce qui se déroule dans le monde extérieur (sur l’autre plateau de la balance) ; c’est-à-dire qu’il est capable d’objectivité, ne restant ni trop dans la subjectivité ni trop dans l’abstraction des théories intellectuelles ou de l’argumentation.

La balance permet également, symboliquement, d’équilibrer les dimensions matérielle et spirituelle de l’existence.

 

NB : il se trouve que les sept premiers arcanes majeurs expriment plus spécifiquement la dimension matérielle, alors que les sept derniers arcanes numérotés (15 à 21) expriment plus spécifiquement la dimension intellectuelle de l’existence. Il est intéressant de relever que la dimension émotionnelle évolue entre les deux autres dimensions ; un peu comme le cœur qui se retrouve entre le cerveau et l’appareil digestif ainsi que les parties génitales du corps physique.

 

La balance est tenue par la main gauche (sensible et intuitive) du personnage, c’est-à-dire que son sens du juste est comme inné ou intuitif.

La femme tient la balance au niveau de son cœur, ce qui vient confirmer que son sentiment évalue. Elle est capable de considérer, de la sorte, autant une thèse que son antithèse, avant d’établir sa propre synthèse ; puis de trancher avec son épée. On peut supposer que cette femme est capable de penser par elle-même et qu’elle se montre impartiale.

La femme tient une épée dans sa main droite, signe de détermination ainsi que d’un raisonnement aiguisé, tranchant et aussi, inspiré (ce qui se confirme avec son drôle de chapeau sous une couronne lumineuse). L’épée est arme de l’esprit (au sens de conscience et d’intelligence). L’épée, de couleur jaune, vient confirmer que les décisions ont été préalablement réfléchies, en plus d’avoir été soupesées.

Cette femme est capable d’agir en prenant des initiatives. Elle cultive un esprit critique. Elle exprime une parole indépendante, judicieusement synthétique et lucide (son cou est découvert, et l’épée est jaune). Cette capacité lui vient de son talent consistant à sentir la dose juste et équilibrée nécessaire à la compréhension des phénomènes extrêmes et opposés, c’est-à-dire qu’elle estcapable de médiation, de négociation et de conciliation.

Cet arcane représente une figure de la perfection ; mais une perfection figée, puisqu’il est difficile, voire impossible, de tenir longtemps une balance dont les plateaux resteraient parfaitement équilibrés et immobiles. D’ailleurs, seule la balance évoque le mouvement, dans cette image.

En résumé, cet arcane évoque un moi-je restant obnubilé par toute question de justice, ce qui l’amène à développer un raisonnement sensible, perspicace et tempéré.

 

Après la Justice, vibre l’Hermite.

Le personnage dessiné s’est allégé de tout objet inutile, ainsi que de son environnement matériel confortable (pas de mobilier ni couronne ou autre apparat, dans cette image) ; c’est comme si l’Hermite prenait conscience que la raison l’emprisonne dans le connu, et que la sécurité matérielle rend inerte. Ce qui l’amène à marcher (c’est le premier arcane où l’on voit un personnage qui se déplace ; dans l’arcane le Chariot, le mouvement est suggéré par le véhicule, mais le personnage reste immobile).

Avec un bâton, l’Hermite prend la route en brandissant une sorte de lanterne devant lui ; c’est-à-dire qu’il s’oriente en fonction de sa propre lumière intérieure, comme si ses connaissances (obtenues par le questionnement, l’introspection, la réflexion, etc.) venaient éclairer sa voie traversant la confusion et la corruption du monde. Et l’individu part en direction de la gauche, c’est-à-dire qu’il s’intéresse maintenant à l’aspect sensible et subtil des phénomènes. Les énergies de la matière sont lourdes, pesantes ; l’Hermite se sent maintenant attiré par des énergies plus éthérées et aussi, essentielles. Sa notion du plaisir se transforme.

Quelque chose rend soucieux le personnage, à voir son front plissé. Ce souci semble affectif (côté gauche de l’image). Cette préoccupation semble stimuler sa quête, sa recherche intérieure.

En société, l’Hermite se protège, à voir son habillement. Il se montre calme et réfléchi (habit bleu), mais en son intérieur il est plutôt nerveux et passionné (habit rouge).

L’individu semble en quête de liberté, tout du moins par rapport à l’emprise du matérialisme. La liberté, comme la justice, sont avant tout des sentiments. Ces notions peuvent être ressenties intérieurement : on se sent libre, on ressent de l’injustice, etc.

En résumé, cet arcane illustre un être qui se tient sur ses gardes dans le monde social et matériel. L’individu trouve l’inspiration dans la nature environnante (le bâton comme soutien), tout en orientant son existence selon ses propres critères de vérité (lanterne).

A ce niveau, le moi-je traverse une crise, crise d’identité ou crise existentielle. L’individu se lance dans une recherche concernant la véritable nature de ce qu’il est ou sinon, il cherche à mieux comprendre le fonctionnement du monde.

Relevons que la Papesse recherche également des vérités dans les livres (en se référant aux savoirs et donc, au connu), alors que l’Hermite, dans une démarche tout à fait semblable, cherche en lui (lanterne, ainsi que vêtements intérieurs rouges) et au travers de ses expériences dans le monde (il marche). Ce sont tous deux des chercheurs, mais leurs pratiques diffèrent. L’Hermite évolue dans l’action, au fur et à mesure du déroulement des événements. Il suit son idée, son désir, quitte à s’aventurer dans l’inconnu.

 

Après l’Hermite tourne la Roue de Fortune avec, dans son image, trois étranges êtres d’aspect plus animal qu’humain.

Voilà que l’inconnu se présente.

Une énigme se pose au plus profond de soi : comment se libérer des entraves tant affectives que sociales et matérielles ?

Comment échapper à la souffrance ainsi qu’aux sentiments négatifs qui enchaînent, comme les désirs de vengeance et de haine ?

Comment rester maître de soi et de son devenir en toute circonstance ?

Comment atteindre le bonheur, la joie d’exister pleinement ?

Comment faire pour être libre ? Qu’est-ce que la liberté ? Etc.

La joie, le bonheur, la liberté sont des sentiments. On se sent libre ou non ; je veux dire, par exemple, qu’on peut travailler 8 heures par jour de façon mécanique, en usine, tout en se sentant libre ; et à l’inverse, on peut être riche et ne pas se sentir libre. La liberté comme la joie n’ont donc rien à voir ni avec les conditions matérielles d’existence ni avec le quotient intellectuel.

Le sentiment se forme à partir d’émotions cristallisées que l’on peut éprouver à loisir (par exemple : en se rappelant un vécu joyeux, on peut ressentir à nouveau cette joie, comme sur commande). Les émotions, nourrissant le sentiment, génèrent et gèrent le besoin de relation et de communication.

Au niveau de la Roue de Fortune, le moi-je tente de s’élever au-dessus de sa condition de vie. Il tente de comprendre comment échapper à sa destinée insatisfaisante. Ses instincts le poussent à s’en dépêtrer. Le moi-je en a marre de ressentir des sautes d’humeur, des moments de bonheur qui succèdent à des moments de douleurs, des moments d’excitation joyeuse noyés dans des moments de déprime, etc.

 

Pour pouvoir résoudre l’énigme et le sens de son existence, il faut être fort et persévérant et aussi, courageux ; ainsi que patient et déterminé, ferme et à l’écoute, réfléchi et spontané selon la nécessité du moment, etc. C’est-à-dire qu’il est nécessaire d’acquérir des qualités comportementales paradoxales(comme être à la fois patient et à la fois déterminé).

L’arcane la Force illustre une femme qui a dompté un lion, elle semble même l’avoir apprivoisé au point qu’elle peut lui tenir la gueule ouverte. L’instinct est rendu docile, mais sa nature a été respectée.

Au niveau de l’élan de vie, le lion illustre un redoutable prédateur. Il ressort un autre paradoxe, puisque l’on voit une femme (douceur, empathie, etc.) avec un lion (instinct sauvage et cruel). Ce dessin représente également une bipolarité : un humain femelle avec un lion mâle (à voir la crinière de la bête).

Cet arcane illustre une relation avec soi-même, entre le moi-je social et idéalisé (ce qui correspond à l’ego ou à la personnalité affichée en société) et entre un soi instinctif, imprévisible et hyper réactif (ce qui peut gêner, voire même contrecarrer la belle image de soi que tente d’entretenir l’ego). Un conflit ressort dans ce dessin entre la nature sauvage du soi et la volonté de contrôle du moi-je. Et le mental prend le contrôle sur la bête ; mais le mental et l’instinct deviennent complices, c’est-à-dire que l’instinct n’est pas réprimé mais sublimé. Pour étayer ce propos, remarquons que la tête de la femme semble comme posée sur son torse, comme si torse et tête avaient étés coupés en deux, puis recollés ou remboîtés.

Dans cette image, la femme établit et entretient un lien étroit avec l’animal, c’est-à-dire une relation affectueuse (comme le ferait une dompteuse avec des lions). C’est grâce à cette relation que la belle et la bête deviennent complices.

A ce niveau, le moi-je identifie précisément ses propres élans contradictoires. Il apprend à apprivoiser sa part animale, évoluant dans l’ombre ; c’est-à-dire que l’individu apprend à devenir intègre (sous-entendu qu’il apprend à se connaître, démarche entreprise dès l’Hermite).

Tout est paradoxe dans la vie, et il s’agit d’apprendre à composer avec ces paradoxes.

Nous-mêmes sommes un paradoxe : à la fois matière et esprit, à la fois sauvage et intelligent comme l’illustre parfaitement l’arcane la Force.

 

En entretenant le désir de s’épanouir pleinement – se sentir libre d’être qui l’on se sent être –, l’on commence à voir les choses, soi et le monde, autrement. Et l’on traverse une période durant laquelle on ressent son existence comme doit l’éprouver le personnage dessiné dans l’arcane le Pendu. Ce personnage regarde le monde et le perçoit sous un angle inédit, ce qui va modifier la teneur de sa pensée, notamment concernant sa relation avec le monde.

Ce qui ressort de l’image du Pendu, mise à part l’individu se trouvant sens dessus-dessous, consiste en une présence importante de la vie végétale. Deux arbres élagués entourent l’individu inconfortablement positionné.

Il ressort de cette image une idée d’efforts et de souffrance volontaire.

L’individu semble se ressourcer grâce aux arbres et entretient de la sorte un lienavec le monde végétal, avec la nature environnante. Les végétaux symbolisent la vie, la croissance, etc., et ils sont reliés à nos systèmes nerveux et sanguin.

L’individu s’immobilise dans cet environnement, comme pour méditer, afin de poursuivre sa recherche en déterminant ce qui est essentiel pour lui. Chaque branche élaguée de l’un des deux arbres figure un désir, une attente, un espoir, une croyance, une ambition, s’avérant vains. Le Pendu prend conscience, maintenant et dans cette position, de son désir de vie essentiel soit, de sa vérité.

La question que pourrait se poser le personnage inversé serait : quel est mon désir essentiel dans la vie ? Quelle est ma mission, ma tâche ici-bas ? Quel sens donner à mon existence ?

Le désir essentiel est figuré par la corde blanche avec laquelle l’individu s’est attaché par un talon (symbole de fragilité, de vulnérabilité) ; cette corde représente un lien vital (si la corde cède, le personnage chute) unique et pur.

Le personnage comprend que l’évolution spirituelle ne se déroule pas dans les hauteurs ; il saisit que le Soi s’éveille dans et à partir de la matière (ses cheveux bleus réceptifs touchent le sol) ainsi qu’à partir d’une relation avec la nature (arbres). Il saisit également que le Soi doit mater l’ego, c’est pourquoi le personnage adopte cette posture inconfortable, tel un fakir (d’où l’idée de souffrance volontaire). De la sorte, il se déprogramme de ses mauvaises habitudes réactionnelles quotidiennes. Il fait un bilan, un bilan profond, un bilan général et total, portant sur tous les aspects formant son existence. Et il s’empêche de réagir et même d’agir (ses bras sont tenus derrière le dos).

Le moi-je sensible et introspectif tente, à ce niveau, de déterminer la nature exacte de son lien avec le monde.

 

Une fois le désir cerné, l’individu agit afin de se défaire de tout le vain et superflu, en soi comme au dehors, dans l’environnement extérieur. L’individu détruit tout : idées, croyances, devoirs, figures d’autorité, représentation de la sexualité, de la morale, etc. ; pour ne plus avancer que selon son élan de vie.

L’arcane XIII figure un moi-je décharné, c’est-à-dire que l’individu, très nerveux et ascétique, est prêt à se rendre jusqu’aux portes de la Mort pour y laisser l’inutile et le superflu ; et afin de faire ressurgir l’essentiel (la colonne vertébrale en forme d’épis). Le but étant de devenir ce que l’on se sent être au fond de soi, au-delà (ou en-deçà) des peurs, fantasmes, démons intérieurs, mensonges et préconceptions des choses.

A ce niveau, le sentiment se détache (prise de distance affective) et l’individu fait les deuils nécessaires suite aux pertes, rejets, concessions et renoncements inévitables. Il ne prend même plus la peine de se protéger ni de dissimuler son intention de détruire : il avance en restant nu. Et il poursuit son chemin, comme s’il traversait sa propre ombre. Il ne semble avoir qu’une seule idée en tête : s’extraire de la fange.

 

A la sortie de l’enfer, un ange veille. L’arcane Tempérance apparaît.

Dans l’image de Tempérance figure un personnage avec des ailes dans le dos, tel un ange qui représente la bienveillance et la pureté sublimes de l’intention.

Le personnage, une femme, reste sur place, mais son bassin tangue vers la droite et ses bras agissent en manipulant un liquide. Elle est en train de faire quelque chose.

Cette femme a saisi que les forces Positive (broc rouge) et Négative (broc bleu) ne peuvent être contrôlées une fois pour toute, comme tente de le faire la femme dans l’arcane la Justice. Avec la Justice, on trouve un équilibre et on tente de le maintenir tel quel, avec le risque d’en devenir obsédé ou de se rigidifier l’esprit, etc. ; avec Tempérance on fait, on agit, en fonction notamment du mouvement de la vie/mort.

Tout est à réévaluer et à rééquilibrer constamment, car tout bouge et change constamment.

La femme manipule les forces contraires (dans les brocs) en faisant participer toute sa personne (mouvement du bassin). Il devrait en être de même avec ce que l’on éprouve et ce que l’on verbalise, par exemple.

L’arcane Tempérance semble enseigner qu’il s’agit d’apprendre à composer avec les deux forces opposées. Il s’agit de savoir manipuler ces deux énergies, jusqu’à créer une troisième énergie pure, à la fois Positive et Négative (le liquide blanc).

Cette image paraît signifier le procédé alchimique nécessaire pour agir intelligemment.

A ce niveau, le moi-je éprouve à nouveau les effets bienfaisants d’une relation saine, entretenue avec soi-même comme avec autrui, à partir d’un sentiment pur, tempérant, favorisant le discernement ainsi que l’action spontanée et juste.

Un ange symbolise l’innocence, ce qui représente dans nos sociétés une fragilité, une vulnérabilité face à la cruauté de l’instinct contenu et aux manigances de l’intellect (un ange est dépourvu d’agressivité et donc, incapable de pouvoir se défendre en cas d’agression ; un ange est sûrement incapable de calculer et d’argumenter contre l’intellect).

L’arcane Tempérance finalise, en mouvement, le développement de l’intelligence sensible. Le corps émotionnel se retrouve maintenant purifié. L’être se sent léger et entretient un état d’esprit à la fois flexible et ferme, à la fois réceptif et actif, à la fois méditatif et spontané.

 

De ces sept images d’arcanes majeurs, il ressort de la réflexion, une recherche intérieure et une quête extérieure de liberté, du mouvement et des déplacements, une recherche d’équilibre et de tempérance, une recherche de perfection et de vérité.

 

La Justice initie au discernement et à l’équité.

L’Hermite invite à rechercher la vérité.

La Roue de Fortune rappelle à la puissance liante de l’affect.

La Force enseigne la maîtrise de soi (et non le contrôle mental, comme on aurait tendance à le croire généralement).

Le Pendu enseigne la méditation ; il invite aux efforts personnels.

XIII initie à la détermination impitoyable durant l’action.

Tempérance invite à respecter son rythme propre, ainsi qu’à manipuler avec tact et délicatesse les diverses forces agissant dans le monde, comme en soi-même.

Tempérance illustre, à mon avis, la sagesse.

 

 

N’évoluant pas au pays des Bisounours, l’ange innocent se confronte à son plus dangereux rival : un ange déchu. L’arcane le Diable s’apprête à semer la zizanie, en venant ouvrir le bal des intellectuels (cf. l’article  Tarot et ésotérisme, le développement du mental)…